En parcourant les réseaux sociaux, ou en écoutant les conversations des parents devant les écoles, on peut constater combien les parents s’inquiètent pour leurs enfants.
Quand les adultes ne comprennent pas le comportement d’un enfant ou ses réactions, ils cherchent des solutions pour l’aider, et permettre à l’enfant de devenir ou redevenir “ sage”, “normal”, “heureux”.
A l’heure de l’information disponible en quelques secondes au bout des doigts, il est toujours compliqué d’avoir la réponse au cas par cas de l’état de la santé mentale de son enfant.
Mon enfant n’est pas normal :
Pour citer la spécialiste des droits de l’enfant Marion Cuerq, un enfant qui bouge, qui sait ce qu’il veut, qui négocie, qui dit non, et ne craint pas les adultes, sera qualifié d’enfant roi, d’enfant mal-élevé par certains, alors que pour un suédois, on dira que c’est un enfant compétent, épanoui, en bonne santé.
Nous en sommes encore loin. L’image du “bon” enfant ( donc du bon parent), est celle de l’enfant qui ne dérange pas, qui suit des règles qui sont très souvent contre nature “ on ne court pas à l’école primaire”, “à trois ans l’enfant doit savoir rester assis sans bouger”, etc.
Face à cette incohérence, nombreux sont les appels à la psychiatrie, ou à la psychologie. “ Mon fils de 20 mois mord tout le monde, connaissez vous un bon pédopsy ? “ “ ma fille de 6 ans ne sait toujours pas lire, aidez- moi à trouver un neuropsychologue”, “ Le pédopsychiatre de ma fille de 10 ans m’a dit de passer au médicaments, elle se réveille toujours la nuit”.
C’est comme s’ il était possible de réparer les enfants défectueux, de poser un soin en consultation sur une souffrance comme un dentiste soigne une carie.
Et pourtant.
A l’heure des neurosciences, on sait aujourd’hui tant de choses sur la psychologie infantile, mais aussi sur celle des parents.
Après une période du vingtième siècle extrêmement culpabilisante pour les parents ( rappelons nous des théories imputant à la mère la seule responsabilité de l’autisme des enfants par un phénomène inconscient de rejet), le focus semble se porter sur l’état mental des enfants seuls, sur leur tempérament, en ne mentionnant pas les dernières découvertes sur l’attachement et la sécurité intérieure.
En tant que consultante parentale, et infirmière puéricultrice, forte de mon expérience, je sais combien le positionnement parental a un effet structurant pour l’enfant.
J’ai découvert à travers mes études, l’influence néfaste des sectes psychanalytiques, et les apports extraordinaires des recherches de psychologie scientifiques : recherches psychosociales, neuropsychologie, épigénétique, etc.
Puis, j’ai approfondi mes connaissances sur la parentalité, qu’est ce qu’un parent “ suffisamment bon” pour reprendre l’expression de Winnicott, qu’est ce qui rend heureux.
Il faudrait que les parents puissent développer le réflexe de s’interroger sur leur parentalité avant de pathologiser le comportement de leurs enfants.
Bien sûr, il appartient au professionnel de santé de détecter et d’orienter vers la psychiatrie les enfants qui en relèvent réellement, avec leurs outils d’évaluation et une prise en charge globale.
Mais il faudrait aussi, qu’enfin on puisse prescrire et orienter vers l’accompagnement parental.
Un adulte à l’épreuve de la parentalité :
Le travail éducatif du parent est profondément émotionnel, il remue, il réveille. l”enfant incarne les désirs et les projections du parent, tout en étant un individu réel, en construction. L’effondrement de l’image que se fait le parent, absolument explosée par la réalité, est très violente. Entre un amour submergeant ou au contraire un regret inavoué de sa vie d’avant, le parent balance . “ je ne m’attendais pas à vivre un tel tsunami”
Alors, il me paraît indispensable aujourd’hui de donner accès au soutien à la parentalité.
Concrètement, dans mon travail et celui de mes collègues, je constate que ceux qui franchissent la porte de la consultation d’accompagnement, de l’atelier de parent ou des groupes de soutien, sont déjà sensibilisés. Soit parce qu’ils viennent de pays où l’accompagnement à la parentalité est généralisé, soit parce qu’ils sont dans des métiers touchant de près ou de loin l’accompagnement à la personne. Par exemple, 78% des parents accompagnés par la pause parentale au cours de l’année 2022 étaient du domaine médical.
Je me demande si ils sont sensibilisés par leur travail leur permettant d’avoir déjà fait un pas vers le travail sur soi, en ayant suffisamment avancé sur eux-même pour être capable de se mettre dans la démarche de l’analyse de leur propre parentalité, où si c’est juste par information du fait qu’un enfant éduqué dans la bienveillance des “ nouvelles” méthodes est un enfant qui réussira mieux que les autres…
En tout cas, l’entrée en matière est souvent “ je veux faire autrement mais je ne sais pas quoi faire”, “mon enfant a un problème mais je sens bien que ça ne vient pas de lui”;
Il m’arrive pourtant souvent de devoir expliquer que je n’ai pas besoin de voir l’enfant ( sauf si l’observation du lien avec le parent semble pertinente), mais que le travail se fera avec les parents, sur eux-même. Parce que c’est leur positionnement qui a le plus grand impact sur le développement de leur propre enfant.
Culpabiliser les parents ou les responsabiliser ?
Interroger les compétences parentales est un tabou dans de nombreuses sociétés encore. Et je suis bien d’accord pour ne pas condamner, mais au contraire redonner du pouvoir par l’information.
On ne peut être coupable de ce que l’on ignore. Il faut un permis pour chasser ou pêcher, ou conduire une voiture, et pourtant pour devenir le responsable d’un être humain il n’y a pas de formation obligatoire.
Tous les parents feront des erreurs avec leurs enfants, c’est normal, mais il faudrait pour le bien-être des parents comme des enfants, qu’il y ai un espace pour travailler tout cela, que l’existence des moyens de soutien à la parentalité soit connue de tous.
Et surtout, passer d’une culture de l’obéissance à celle de la confiance, et de soigner la relation qui nourrit, plutôt que de faire porter à l’enfant un poids qui n’est pas le sien…